Pourquoi l’hétérosporie a-t-elle évolué ?

Le cycle de vie primitif des plantes terrestres comportait la production de spores de taille unimodale, une condition appelée homosporie. L’évolution des distributions de taille bimodale avec de petites spores mâles et de grandes spores femelles, connue sous le nom d’hétérosporie, est une innovation qui s’est produite à plusieurs reprises dans l’histoire des plantes terrestres. L’importance des spores résistantes à la dessiccation pour la colonisation de la terre est bien connue, mais la valeur adaptative de l’hétérosporie n’a jamais été bien établie. Elle était un ajout à un cycle de vie sexuel qui impliquait déjà des gamètes mâles et femelles. Son rôle de précurseur de l’évolution des graines a fait l’objet d’une grande attention, mais il s’agit d’une conséquence évolutive de l’hétérosporie qui ne peut expliquer la transition de l’homosporie à l’hétérosporie (et l’absence de renversement évolutif de l’hétérosporie à l’homosporie). L’outcrossing forcé des gamétophytes a souvent été mentionné en relation avec l’hétérosporie, mais nous passons en revue les défauts de cet argument comme explication de l’avantage sélectif de l’hétérosporie. Peu d’arguments alternatifs concernant les forces sélectives favorisant l’hétérosporie ont été proposés, un manque d’attention qui est surprenant étant donné l’importance de cette innovation dans l’évolution des plantes terrestres. Dans cette revue, nous soulignons deux idées qui pourraient nous permettre de mieux comprendre pourquoi l’hétérosporie a évolué. Tout d’abord, les modèles d’allocation optimale des ressources – une approche utilisée depuis des décennies en écologie évolutive pour aider à comprendre l’investissement parental et d’autres modèles d’histoire de vie – suggèrent qu’une augmentation évolutive de la taille des spores pourrait atteindre un seuil auquel les petites spores produisant de petits gamétophytes producteurs de sperme rapporteraient une meilleure aptitude par unité d’investissement en ressources que les grandes spores et les gamétophytes bisexués. Avec l’apparition de telles microspores, les mégaspores évolueraient sous l’effet d’une sélection dépendant de la fréquence. Cet argument peut expliquer l’apparition de l’hétérosporie au Dévonien, lorsque des communautés végétales de plus en plus hautes et complexes présentaient des conditions de concurrence qui rendaient avantageuse la taille des spores. Deuxièmement, l’hétérosporie est analogue à bien des égards à l’anisogamie. En effet, l’hétérosporie est une sorte de réinvention de l’anisogamie dans le contexte d’un cycle de vie des plantes terrestres dominé par les sporophytes. L’évolution de l’anisogamie a fait l’objet d’importantes recherches théoriques et empiriques. Des travaux récents dans ce domaine suggèrent que la dynamique des rencontres entre partenaires met en place des forces sélectives qui peuvent conduire à l’évolution de l’anisogamie. Nous suggérons que des dynamiques de dispersion et d’accouplement similaires pourraient être à l’origine de la différenciation de la taille des spores. Les deux approches offrent des prédictions qui sont cohérentes avec les données actuellement disponibles mais qui pourraient être testées de manière beaucoup plus approfondie. Nous espérons rétablir l’attention sur cet aspect négligé de la biologie évolutive des plantes et suggérer quelques pistes d’investigation empirique.

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