- Abstract
- 1. Introduction
- 2. Méthodes
- 2.1. Analyse statistique
- 3. Résultats
- 3.1. Analyse descriptive
- 3.2. Disponibilité et utilisation de la surveillance hémodynamique dans les USI suisses
- 3.3. Sélection de la surveillance hémodynamique orientée vers la clinique
- 3.4. Paramètres utilisés avec la TPTD et le dispositif PiCCO
- 3.5. Paramètres hémodynamiques utilisés par les intensivistes suisses pour la gestion des fluides
- 3.6. Évaluation du consensus
- 4. Discussion
- 4.1. Limites
- 4.2. Conclusion
- Conflit d’intérêts
- Reconnaissance
Abstract
Contexte. Le but de cette enquête était de décrire, dans une situation de disponibilité croissante des dispositifs et paramètres de surveillance, les pratiques de surveillance hémodynamique au chevet du patient. Méthodes. Nous avons mené une enquête en ligne dans des unités de soins intensifs pour adultes en Suisse (2009-2010). Le questionnaire explorait le type de surveillance utilisé et la manière dont la gestion des fluides était abordée. Résultats. Notre enquête a porté sur 71 % des unités de soins intensifs suisses. L’échocardiographie (95 %), le cathéter d’artère pulmonaire (CAP : 85 %) et la thermodilution transpulmonaire (TPTD) (82 %) étaient les méthodes les plus utilisées. Le TPTD et le PAC étaient souvent tous deux disponibles, bien que le TPTD soit la technique préférée. L’échocardiographie était largement disponible (95 %) mais semble être rarement réalisée par les intensivistes eux-mêmes. Des directives pour la gestion de la perfusion de liquides étaient disponibles dans 45% des unités de soins intensifs. Pour prédire la réactivité aux fluides, les intensivistes s’appuient de préférence sur des indices dynamiques ou des paramètres échocardiographiques, mais les paramètres statiques, tels que la pression veineuse centrale ou la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire, étaient encore utilisés. Conclusions. Dans la plupart des unités de soins intensifs suisses, plusieurs dispositifs de surveillance hémodynamique sont disponibles, bien que le TPTD soit le plus souvent utilisé. Malgré l’utilité de l’échocardiographie et sa grande disponibilité, elle est peu pratiquée par les intensivistes suisses eux-mêmes. En ce qui concerne la gestion des fluides, plusieurs paramètres sont utilisés sans consensus clair pour la méthode optimale.
1. Introduction
Une évaluation et une gestion hémodynamiques adéquates sont les pierres angulaires de la prise en charge des patients gravement malades . Cependant, l’utilisation de la surveillance hémodynamique au chevet des patients est confrontée à de nombreux défis. Premièrement, les méthodes, les dispositifs et les paramètres disponibles pour la surveillance hémodynamique ont évolué au cours des 30 dernières années, ce qui peut expliquer la grande hétérogénéité des types de techniques utilisées par les cliniciens dans les différentes unités de soins intensifs (USI). Deuxièmement, l’utilisation correcte de ces dispositifs de surveillance et l’interprétation des valeurs affichées peuvent être difficiles et requièrent un niveau élevé de connaissances et de compétences, ce qui entraîne des interventions hétérogènes . Troisièmement, les méthodes avancées de surveillance hémodynamique, en soi, n’ont pas été associées à une amélioration de la survie des patients, à moins qu’elles ne soient associées à des stratégies thérapeutiques précoces et cliniquement pertinentes. Par conséquent, l’intégration des paramètres mesurés dans la stratégie thérapeutique peut également varier entre les médecins et les unités de soins intensifs. Enfin, dans certaines situations, la macrocirculation peut être découplée de la microcirculation , réduisant ainsi l’efficacité de l’optimisation hémodynamique basée uniquement sur les paramètres macrocirculatoires communément mesurés et compliquant la gestion hémodynamique des patients gravement malades.
Une hétérogénéité considérable dans la disponibilité et la pratique de la surveillance hémodynamique existe au chevet du patient entre les cliniciens, les unités de soins intensifs et les pays, bien que les études examinant cette question soient rares . Pourtant, ce type d’étude pourrait permettre une formation sur mesure en soins intensifs et contribuer à adapter les directives cliniques en fonction des techniques disponibles. L’objectif de cette étude était donc de générer une première description de la disponibilité et de l’utilisation de la surveillance hémodynamique au chevet du patient dans les unités de soins intensifs suisses, en particulier pour la gestion de l’expansion volumique.
2. Méthodes
Cette étude a été conçue comme une enquête auto-rapportée, basée sur Internet. Le questionnaire était composé de 36 questions à choix multiples (http://www.genevahemodynamic.com/research/swisshaemodynamicsurvey). Outre les questions générales, les questions portaient sur deux sujets : les techniques de surveillance utilisées par les intensivistes suisses (16 questions) et la méthode par laquelle les intensivistes suisses abordent la gestion des fluides (8 questions). Le monitoring hémodynamique avancé a été défini comme l’utilisation de techniques permettant l’estimation du débit cardiaque. Dans les questions sur la fréquence d’utilisation, les cliniciens évaluent leur utilisation sur une échelle de 1 à 10 (1 = jamais, 10 = dans tous les cas). Dans les questions qualifiant un appareil, les cliniciens ont été priés d’échelonner leurs réponses de 0 à 5 (0 = » le pire « , 5 = » le meilleur « ). Le questionnaire a d’abord été évalué par deux médecins indépendants spécialisés dans les soins hémodynamiques critiques, puis testé sur 15 intensivistes suisses afin d’améliorer la formulation des questions.
Nous avons sélectionné toutes les unités de soins intensifs pour adultes (médicales, chirurgicales et interdisciplinaires) conformes à la recommandation de la Société suisse de médecine intensive 2008-2009 (77 unités de soins intensifs). Nous avons envoyé le questionnaire par e-mail au médecin responsable des USI sélectionnées et/ou aux médecins travaillant dans le même centre qui ont pu être identifiés. Le médecin contacté pouvait alors décider de répondre et/ou de transmettre le questionnaire à certains de ses collègues de la même USI. Afin d’augmenter le taux de retour, le questionnaire a été envoyé une seconde fois aux non-répondants. Les réponses ont été recueillies entre 2009 et 2010. Comme cette enquête était basée sur une participation volontaire avec une divulgation d’informations, un comité d’éthique n’a pas examiné cette étude.
2.1. Analyse statistique
Les données ont été analysées à l’aide de R 2.14.1. Nous avons analysé les réponses soit au niveau du médecin, soit au niveau de l’unité de soins intensifs. Les réponses analysées au niveau du médecin considèrent que la réponse de chaque médecin a un poids équivalent. Ainsi, les USI dont les médecins ont répondu en plus grand nombre ont fourni plus de réponses. Pour donner le même poids à toutes les USI, nous avons également calculé les réponses au niveau des USI en déterminant l’opinion de chaque centre, correspondant à la majorité des réponses du centre, puis en faisant la moyenne de l’opinion de toutes les USI. Pour déterminer la contribution du nombre de réponses par USI aux résultats, nous avons analysé la corrélation entre la moyenne des réponses de toutes les USI et la moyenne des réponses de chaque médecin. En ce qui concerne la description des réponses concernant les paramètres qui nécessitent une technique spécifique (par exemple, l’eau pulmonaire extravasculaire (EVLW), qui ne peut être mesurée qu’avec le dispositif PiCCO (PULSION Medical systems ; Munich, Allemagne)), nous avons sélectionné uniquement les réponses des médecins travaillant dans des USI où ce dispositif était disponible. Pour évaluer le degré de consensus pour chaque question, nous avons arbitrairement déterminé qu’un taux de réponse supérieur à 65 % pour une seule question représentait un consensus fort, qu’un taux de réponse compris entre 55 et 64 % indiquait un consensus faible et qu’un taux de réponse inférieur à 55 % ne représentait aucun consensus. Pour les questions à choix multiples, un consensus positif a été atteint si les médecins qui ont participé ont inclus la proposition, et un consensus négatif a été atteint si les médecins qui ont participé n’ont pas inclus la proposition.
3. Résultats
3.1. Analyse descriptive
Nous avons obtenu 130 réponses de 55 USI (71,4%) sur un total de 77 USI suisses pour adultes référencées pendant la période d’étude. Le taux de réponse médian était de 1 par USI (1-20 réponses par USI ; taux de réponse moyen : 2,3 ; écart interquartile : 1). Parmi les intensivistes participants, 73% ( = 95/130) ont déclaré être des spécialistes en médecine de soins intensifs (certification de l’Association médicale suisse). En outre, 62% ( = 81/130) ont déclaré avoir plus de 5 ans d’expérience dans la pratique des soins intensifs (5-10 ans : 25% ( = 33/130), >10 ans : 37% ( = 48/130)). La corrélation entre les réponses rapportées par les médecins individuels et par les USI était très élevée (, ), ce qui suggère que le taux de réponse des centres individuels (c’est-à-dire la « taille » de l’USI) n’a pas influencé les résultats.
3.2. Disponibilité et utilisation de la surveillance hémodynamique dans les USI suisses
En Suisse, les intensivistes ont signalé une utilisation fréquente de la surveillance hémodynamique avancée pendant l’état de choc ; par exemple, pendant le choc cardiogénique et septique, le taux moyen d’utilisation était de 8,3/10 et 8,1/10, respectivement. Trois dispositifs étaient le plus souvent disponibles : l’échocardiographie (95 % ( = 52/55)), la thermodilution cardiaque droite avec cathéter d’artère pulmonaire (PAC : 85 % ( = 47/55)), et la thermodilution transpulmonaire (TPTD) avec le dispositif PiCCO (82 % ( = 45/55)). Le FloTrac, le monitorage Doppler œsophagien et le LiDCO n’étaient pas largement disponibles (20 % ( = 11/55), 13 % ( = 7/55) et 9 % ( = 5/55), respectivement). Notamment, dans 67% ( = 37/55) des unités de soins intensifs suisses, le TPTD et le PAC étaient tous deux disponibles, bien que le TPTD ait été signalé comme étant plus fréquemment utilisé (Figure 1). Dans les USI où le CAP était rapporté comme étant le plus fréquemment utilisé, 78% ( = 7/9) étaient des centres de premier plan recommandés pour l’enseignement des soins intensifs (USI de classe A de l’Association médicale suisse).
Techniques de surveillance hémodynamique rapportées comme étant les plus couramment utilisées par les médecins de soins intensifs. TPTD : thermodilution transpulmonaire, PAC : cathéter d’artère pulmonaire. Les résultats sont présentés sous la forme du nombre moyen de réponses des intensivistes suisses (en %) par rapport au nombre total d’intensivistes ayant répondu à la question ()/total des réponses).
L’échocardiographie était disponible dans la plupart des unités de soins intensifs (figure 2) mais n’était pas utilisée de manière systématique et, dans la plupart des cas, l’échocardiographie n’était pas réalisée par les intensivistes eux-mêmes. Contrairement à ce résultat, une grande majorité des médecins participants considéraient que les intensivistes suisses devraient être en mesure de réaliser une échocardiographie dans les USI pour la gestion hémodynamique.
L’utilisation de l’échocardiographie par les intensivistes. Les résultats sont présentés comme le nombre moyen de réponses des intensivistes suisses (en %) par rapport au nombre total d’intensivistes ayant répondu à la question (/total des réponses).
3.3. Sélection de la surveillance hémodynamique orientée vers la clinique
La méthode considérée comme optimale pour la surveillance hémodynamique variait selon la situation clinique (figure 3). Lors d’un choc cardiogénique, les intensivistes suisses considéraient que le monitorage par PAC ou échocardiographie était également bon et déclaraient ces deux techniques de monitorage supérieures aux autres techniques. Lors d’un choc septique, les intensivistes considéraient le TPTD comme la technique de surveillance la plus appropriée. Enfin, au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), les intensivistes ont considéré que le TPTD et le PAC étaient les meilleures techniques ; il est intéressant de noter que ces deux techniques ont été considérées comme équivalentes dans cette situation.
Évaluation de divers dispositifs par les intensivistes en fonction de la situation clinique. Les dispositifs ont été évalués sur une échelle de 1 « pire » à 5 « meilleur ». TPTD : thermodilution transpulmonaire, PAC : cathéter d’artère pulmonaire.
3.4. Paramètres utilisés avec la TPTD et le dispositif PiCCO
Parmi tous les paramètres associés au dispositif PiCCO, seuls l’index cardiaque, l’EVLW, le volume end-diastolique global (VEDG), la variation du volume systolique (VVS) et le volume sanguin intrathoracique (VSI) ont été utilisés par une majorité de cliniciens (figure 4).
L’utilisation de différents paramètres disponibles avec la thermodilution transpulmonaire (PiCCO) par les intensivistes suisses. IFC : indice de fonction cardiaque ; IC : indice cardiaque ; CPI : indice de puissance cardiaque ; EVLW : eau pulmonaire extravasculaire ; GEDV : volume global end-diastolique ; GEF : fraction d’éjection globale ; ITBV : volume sanguin intrathoracique ; PPV : variation de la pression pulsée ; PVPI : indice de perméabilité vasculaire pulmonaire ; SVRI : indice de résistance vasculaire systémique ; SVV : variation du volume systolique. Les résultats de cette question à choix multiple sont présentés sous la forme du nombre moyen de réponses des intensivistes suisses (en %) par rapport au nombre total d’intensivistes ayant répondu à la question (/total des réponses).
3.5. Paramètres hémodynamiques utilisés par les intensivistes suisses pour la gestion des fluides
Pour la gestion de la thérapie liquidienne, des directives étaient disponibles dans moins de la moitié des USI (45%, = 25/55). La pression artérielle moyenne ciblée par la majorité des intensivistes était comprise entre 60 et 65 mmHg (40-50 mmHg : 2 % ( = 3/130), 50-55 mmHg : 2 % ( = 3/130), 55-60 mmHg : 8% ( = 10/130), 60-65 mmHg : 56 % ( = 73/130), et 65-70 mmHg : 27% ( = 35/130) et 70-75 mmHg : 5% ( = 6/130)). Pour la prédiction de la réactivité aux fluides (tableau 1), les intensivistes suisses ont principalement utilisé des indices dynamiques (c’est-à-dire des indices qui varient avec la respiration, par exemple la variation de la pression pulsée, VPP), la manœuvre de lever passif des jambes (DPP) et/ou des paramètres échocardiographiques. Les paramètres statiques (c’est-à-dire les paramètres qui ne varient pas avec la respiration) tels que la pression veineuse centrale (PVC) et la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire (PAOP) ont également été utilisés par un nombre significatif d’intensivistes (tableau 1) ; cependant, lorsque ces méthodes ont été utilisées, la plupart des intensivistes ont considéré que seules des valeurs faibles indiquaient un état de dépendance à la précharge (CVP < 5 mmHg : 42 % ( = 55/130), CVP < 10 mmHg : 19% ( = 25/130), CVP < 15 mmHg : 2 % ( = 2/130), et aucune : 37 % ( = 48/130) ; PPC < 5 mmHg : 21% ( = 24/114), PAOP < 10 mmHg : 31% ( = 35/114), et PAOP < 15 mmHg : 21% ( = 24/114), PAOP < 20 mmHg : 3% ( = 3/114) et Aucun : 25% ( = 28/114)). D’autre part, pour évaluer la possibilité d’un remplissage supplémentaire de liquide, les intensivistes utilisent différents paramètres, principalement l’EVLW et le PAOP, en fonction de la technique disponible (TPTD versus PAC).
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les résultats sont présentés comme la réponse moyenne des intensivistes suisses en %, avec le nombre de réponses par rapport au nombre total d’intensivistes ayant répondu à la question (n Intensivistes/total des réponses). Pour les paramètres nécessitant une technique spécifique, seules les réponses des USI où cette technique était disponible ont été retenues : cathéter d’artère pulmonaire (CAP) disponible : indiqué par ; thermodilution transpulmonaire avec PiCCO disponible : indiqué par. CO : débit cardiaque ; CVP : pression veineuse centrale ; EVLW : eau pulmonaire extravasculaire ; GEDV : volume global end-diastolique ; ITBV : volume sanguin intrathoracique ; PAOP : pression d’occlusion de l’artère pulmonaire ; PLR : test passif de lever de jambe ; PPV : variation de la pression pulsée ; RVVC : variation respiratoire de la veine cave inférieure ; ScvO2 : saturation du sang veineux central ; SVV : variation du volume systolique ; SvO2 : saturation du sang veineux mixte. |
3.6. Évaluation du consensus
Les résultats sont affichés dans le tableau 2.
Fort consensus
Sur la disponibilité de l’échocardiographie, du cathéter d’artère pulmonaire ou du PiCCO dans les USI suisses
Sur la non-disponibilité du FloTrac, du monitoring Doppler œsophagien, ou LiDCO dans les USI suisses
Sur l’utilisation de l’échocardiographie pour le suivi hémodynamique
Sur l’intérêt des intensivistes suisses de pouvoir réaliser eux-mêmes l’échocardiographie chez les patients gravement malades
Sur l’utilisation de l’index cardiaque, EVLW, GEDV, ou SVV lors de l’utilisation du dispositif PiCCO
Sur la non-utilisation de GEF, PVPI, ou CPI lors de l’utilisation du dispositif PiCCO
Sur la non-utilisation de EVLW, SVO2, CVP, RVVC, ITBV, bilan liquidien global, ou le diamètre de la veine cave inférieure pour prédire la
réceptivité aux fluides
Sur la non-utilisation du VITB, d’autres paramètres cliniques, le besoin en oxygène, le débit cardiaque normal, la ScVO2, la SVO2, ou un débit cardiaque élevé pour
arrêter la poursuite de la perfusion de liquide
Consensus faible
Sur la préférence pour l’utilisation du TPTD dans le monitoring hémodynamique
Que les intensivistes suisses ne réalisent pas eux-mêmes d’échocardiographie
Sur l’utilisation de l’ITBV lors de l’utilisation du dispositif PiCCO
Sur la non-utilisation de l’IFC lors de l’utilisation du dispositif PiCCO
Pour une cible de pression artérielle moyenne entre 60-65 mmHg
Sur l’utilisation de la PPV pour prédire la réactivité aux fluides
Sur la non-utilisation du débit cardiaque, de la ScVO2, de la pression artérielle, ou PAOP pour prédire la réactivité aux fluides
Aucun consensus
Sur la fréquence d’utilisation de l’échocardiographie pour le suivi hémodynamique
Sur l’utilisation de la VPP ou de l’IRVS lors de l’utilisation du dispositif PiCCO
. l’utilisation du dispositif PiCCO
Sur le seuil de CVP qui peut indiquer la nécessité d’une perfusion de fluide
Sur le seuil de PAOP qui peut indiquer la nécessité d’une perfusion de fluide
Sur l’utilisation du DPP, l’échocardiographie, le SVV ou le GEDV pour prédire la réactivité aux fluides
Sur l’utilisation de l’EVLW ou du PAOP pour arrêter la poursuite de la perfusion de fluide
Un consensus fort a été défini comme un taux de réponse supérieur à 65% pour une seule question ; un consensus faible a été défini comme un taux de réponse de 55 à 64% ; et aucun consensus n’a été déclaré lorsque le taux de réponse était inférieur à 55%. CVP : pression veineuse centrale ; EVLW : eau pulmonaire extravasculaire ; GEDV : volume global end-diastolique ; ITBV : volume sanguin intrathoracique ; PAOP : pression d’occlusion de l’artère pulmonaire ; PLR : test passif de lever de jambe ; PPV : variation de la pression pulsée ; RVVC : variation respiratoire de la veine cave inférieure ; ScvO2 : saturation du sang veineux central ; SVV : variation du volume systolique ; SvO2 : saturation du sang veineux mixte.
4. Discussion
La présente enquête autodéclarée sur Internet a étudié les types de monitorage hémodynamique disponibles dans les USI d’un pays européen et a rapporté comment ce monitorage est utilisé au chevet du patient. Nous avons observé que, dans les unités de soins intensifs suisses, le monitorage hémodynamique avancé est fréquemment utilisé au chevet du patient. Parmi les techniques accessibles, l’échocardiographie, le TPTD et/ou le PAC étaient largement disponibles dans la plupart des USI ; de plus, dans une grande majorité des USI, le PAC et le TPTD avec PiCCO étaient disponibles, mais le TPTD semblait être la technique la plus fréquemment utilisée. L’échocardiographie était largement disponible et considérée comme une bonne technique dans diverses situations, bien que cet examen ne soit généralement pas pratiqué par les intensivistes eux-mêmes. Enfin, pour évaluer la réactivité aux fluides, les intensivistes semblaient préférer les indices dynamiques aux paramètres statiques (tableaux 1 et 2).
Il existe peu de données concernant l’utilisation du monitorage hémodynamique chez les patients gravement malades au chevet des patients dans différents pays, mais, comme le suggèrent Torgersen et al, il semble y avoir une hétérogénéité considérable dans la gestion et l’utilisation du monitorage hémodynamique entre les centres et les pays . Dans notre étude, nous avons observé une large utilisation du monitorage hémodynamique invasif chez les patients en état de choc. Cette pratique est conforme à l’importance reconnue d’une optimisation hémodynamique précoce et adéquate chez les patients en état de choc . Dans d’autres pays européens, lors d’un choc septique, Torgersen et al. ont rapporté que presque tous les intervenants affirmaient le débit cardiaque, même si le taux d’utilisation du monitorage hémodynamique invasif n’était pas rapporté. Le fait que, dans notre pays, le monitorage échocardiographique soit moins utilisé peut expliquer le taux plus élevé de technique invasive observé dans la présente enquête. De plus, nous pouvons supposer que les compétences et la formation médicale des cliniciens ainsi que les ressources des hôpitaux ont une grande influence sur la façon dont les patients gravement malades sont surveillés.
La disponibilité dans un seul centre de plusieurs types de techniques de surveillance hémodynamique peut permettre au clinicien, en tenant compte des spécificités de chaque technique, d’adapter la surveillance utilisée en fonction de la situation clinique. Cependant, comme le suggèrent de nombreuses études antérieures, cela implique la nécessité d’une formation importante pour assurer l’utilisation correcte des différentes techniques et l’interprétation adéquate des paramètres mesurés afin de guider correctement les interventions thérapeutiques. Notre observation d’une large utilisation de diverses techniques suggère qu’il pourrait être intéressant d’évaluer l’efficacité clinique et le coût de chaque technique dans la gestion des patients gravement malades. Si d’autres études confirmaient la disponibilité de plusieurs appareils dans chaque unité de soins intensifs, un programme national d’enseignement, de maintien des compétences et d’évaluation régulière des connaissances pourrait être mis en place pour optimiser les ressources nécessaires et maintenir une haute qualité d’utilisation de ces techniques spécifiques. En effet, en Suisse, il n’existe pas de directives claires, de recommandations spécifiques, ni de formation structurée au niveau national concernant le monitorage hémodynamique des patients en état de choc. Et l’absence de consensus sur cette question fait que la pratique clinique des intensivistes suisses est associée à la tradition médicale locale.
En outre, comme observé dans d’autres études, nous avons remarqué dans notre étude que les intensivistes semblaient favoriser l’utilisation de nouveaux dispositifs de surveillance, tels que le TPTD avec PiCCO, au lieu de la méthode PAC « historique ». La seule exception concerne les principaux centres impliqués dans l’enseignement des soins intensifs (unités de soins intensifs de classe A de l’Association médicale suisse), où la méthode PAC reste largement utilisée. Il est intéressant de noter que dans notre étude, le TPTD avec PiCCO est considéré par les intensivistes comme équivalent au PAC pendant le SDRA et supérieur pendant le choc septique, alors que pendant le choc cardiogénique, le PAC et l’échocardiographie sont considérés comme les techniques les plus appropriées. Nos résultats concernant l’utilisation du TPTD avec le PiCCO pendant le choc septique sont en accord avec la pratique typique dans les pays européens, dans lesquels la plupart des cliniciens (65,5%) rapportent l’utilisation du TPTD pour la mesure du débit cardiaque dans cette situation. Notre observation de la préférence clinique pour l’utilisation de la PAC ou de l’échocardiographie pendant le choc cardiogénique semble également en accord avec l’étude de Trof et al. comparant la gestion hémodynamique limitée par le volume (surveillée par le TPTD) à celle limitée par la pression (surveillée par la PAC) dans les chocs septiques et non septiques. Dans cette étude, les auteurs n’ont pas observé de différence entre les deux modes de surveillance hémodynamique en ce qui concerne les jours sans ventilateur, la durée de séjour, les défaillances d’organes et la mortalité. Cependant, chez les patients en état de choc non septique, l’algorithme basé sur le TPTD (EVLW < 10 mL/kg, GEDV < 850 mL/m2) a entraîné un plus grand nombre de jours de ventilation mécanique et une plus longue durée de séjour en soins intensifs que le PAC (PAOP < 18-20 mmHg).
Il est intéressant de noter que dans notre étude, au cours du SDRA, le monitorage avec le TPTD (PiCCO) est considéré, par les cliniciens, comme équivalent au monitorage avec le PAC. Cette observation peut probablement représenter l’une des caractéristiques de l’évolution du monitorage hémodynamique chez les patients gravement malades. Traditionnellement, au cours du SDRA, le CAP a démontré certains avantages. Premièrement, la mesure de la PAOP permet d’exclure une dysfonction ventriculaire gauche (PAOP inférieure à 18 mmHg), un critère requis pour le diagnostic et la définition du SDRA. Deuxièmement, la PAC permet d’évaluer l’hypertension artérielle pulmonaire, associée au développement d’une insuffisance ventriculaire droite, et permet d’ajuster les vasodilatateurs pulmonaires (par exemple, l’oxyde nitrique inhalé). Ainsi, au cours du SDRA, d’autres techniques telles que l’échocardiographie doivent être associées à la TPTD pour évaluer la fonction ventriculaire droite et la circulation pulmonaire. Cependant, pendant le SDRA, la surveillance par TPTD peut présenter des avantages. Par exemple, l’EVLW indexé au poids corporel prédit peut permettre une évaluation plus précise de l’œdème pulmonaire que la radiographie pulmonaire, où la présence d’un infiltrat bilatéral, qui peut être lié à d’autres maladies que l’œdème pulmonaire, peut être difficile à identifier. En outre, l’EVLW peut également être considéré comme un moyen de gérer l’équilibre hydrique au cours du SDRA .
L’échocardiographie est une technique hémodynamique avancée non invasive utile dans la gestion des patients gravement malades . Dans notre étude, nous avons observé que même si l’échocardiographie était largement disponible et considérée comme fiable (figure 3), cette technique n’était pas régulièrement utilisée par les intensivistes eux-mêmes. Cette observation suggère que l’échocardiographie est réalisée principalement par les cardiologues dans des situations spécifiques plutôt que comme une véritable technique de suivi hémodynamique utilisée pour évaluer régulièrement l’évolution du patient et l’effet du traitement. Cependant, nous avons observé qu’une grande majorité d’intensivistes (98%) ont démontré un désir de devenir plus indépendants dans la pratique de l’échocardiographie dans le contexte des soins intensifs. Cette situation peut être spécifique aux pays où aucune formation spécifique en échocardiographie n’est destinée aux intensivistes et où aucune description précise des compétences requises pour pratiquer cet examen n’est acceptée, comme c’est le cas en Suisse. En réponse à cette situation, selon la volonté des cliniciens et en suivant l’évolution de l’éducation et de la formation dans d’autres pays européens , le nombre de techniciens certifiés et l’amélioration des descriptions des compétences requises pour pratiquer l’échocardiographie dans les unités de soins intensifs suisses sont en augmentation .
Parmi les difficultés liées à l’utilisation du monitorage hémodynamique, les différences individuelles dans l’interprétation des paramètres et des interventions associées pourraient être importantes. Outre un niveau élevé de formation, ce problème peut être amélioré par la mise en œuvre de directives cliniques. Cependant, comme l’a souligné la présente enquête, dans la plupart des unités de soins intensifs, les directives relatives à la réanimation liquidienne ne sont pas disponibles. Cette sous-utilisation des directives pendant la réanimation liquidienne reflète probablement la complexité de cette question et l’absence de consensus sur les indices validés disponibles pour prédire de manière adéquate la réactivité liquidienne dans la vaste population de patients gravement malades. En effet, nous n’avons pas réussi à détecter un consensus fort sur l’utilisation de ces indices parmi les intensivistes suisses, bien que nous ayons observé un certain consensus lié à la non-utilisation de divers paramètres (tableau 2). Dans l’évaluation de la dépendance à la précharge, une légère majorité d’intensivistes ont déclaré utiliser principalement des indices dynamiques (VPP), des indices volumétriques estimés avec la technique TPTD (VGED) ou l’échocardiographie, bien qu’un consensus fort fasse défaut. Notamment, malgré la quantité de données cliniques soutenant l’inutilité des paramètres statiques (CVP, PAOP) comme marqueurs de la réactivité aux fluides, une proportion significative d’intensivistes utilise encore ces indices statiques. L’utilisation que nous avons rapportée du PAOP est comparable à celle d’autres pays européens, où 28,3 % des cliniciens utilisent encore le PAOP pour guider la gestion hémodynamique pendant le choc septique. Cependant, il faut noter que lorsque ces mesures statiques sont utilisées, les intensivistes ne considèrent que les valeurs faibles comme un signe de dépendance à l’hypovolémie et à la précharge, bien qu’il n’y ait pas de consensus quant au seuil précis. De même, pour évaluer la sécurité de la perfusion de liquide supplémentaire, une légère majorité d’intensivistes ont déclaré utiliser l’EVLW ou le PAOP, selon la technique disponible, comme techniques pour interrompre l’expansion volumique, là encore sans consensus quant à la technique préférée.
4.1. Limites
Premièrement, il n’a pas été possible de déterminer le nombre exact d’intensivistes travaillant en Suisse et donc de déterminer la véritable signification de nos résultats. Cependant, le taux de réponse de toutes les unités de soins intensifs suisses concernant la présente enquête était élevé, la majorité des répondants étant expérimentés en médecine de soins intensifs. Deuxièmement, le monitorage hémodynamique nécessite des dispositifs, des accessoires, des consommables et la formation du personnel qui ont des implications financières. En effet, les caractéristiques économiques de l’institution et l’économie de la santé du pays peuvent influencer la pratique au chevet du patient. Troisièmement, même si cette enquête porte sur la période 2009-2010, nous considérons que nos résultats représentent l’évolution réelle de la pratique du monitorage hémodynamique au chevet du patient, car aucun changement majeur dans la pratique et les directives du monitorage hémodynamique n’a eu lieu récemment. Quatrièmement, afin de décrire le degré de consensus ou d’accord sur la pratique du monitorage hémodynamique, nous avons utilisé une méthode simple qui, même si elle n’est pas bien validée, permet d’identifier » l’opinion générale » des cliniciens. Enfin, comme l’a montré une étude précédente, la différence entre la perception d’une pratique et la pratique réelle au chevet du patient peut être importante. Ainsi, nos résultats ne sont qu’indicatifs de la pratique auto-rapportée du monitorage hémodynamique et seules d’autres études observationnelles prospectives pourront investiguer plus précisément ce sujet.
4.2. Conclusion
Dans notre enquête sur le monitorage hémodynamique dans les USI suisses, nous avons constaté que différents types de techniques de monitorage sont disponibles dans les USI, parmi lesquels la méthode PAC « historique » semble être progressivement remplacée par de nouvelles techniques de monitorage, telles que le TPTD.
En tant que technique alternative ou complémentaire, l’échocardiographie, qui est largement disponible dans les USI suisses, n’était pas fréquemment utilisée par les intensivistes eux-mêmes pour évaluer régulièrement l’état hémodynamique des patients gravement malades. Concernant l’utilisation du monitoring hémodynamique pour guider la gestion complexe de la fluidothérapie, les directives cliniques sont sous-utilisées et les intensivistes se réfèrent essentiellement, de manière incohérente, aux indices dynamiques de précharge.
Conflit d’intérêts
Le Dr Karim Bendjelid déclare avoir été consultant pour Edwards Lifesciences Corporation durant la période de cette étude (2009-2010). Les autres auteurs déclarent ne pas avoir d’intérêts concurrents.
Reconnaissance
Les auteurs tiennent à remercier le professeur Laurent Brochard pour ses conseils et son aide dans la correction de l’article.