Protectorat français au Maroc

Le protectorat français au Maroc (langue arabe : حماية فرنسا في المغرب Himaïet Fransa fi El-Maghreb ; langue française : Protectorat français au Maroc) a été créé par le traité de Fès. Il a existé de 1912, date à laquelle un protectorat a été officiellement établi, jusqu’à l’indépendance du Maroc (2 mars 1956), et consistait en la région du Maroc comprise entre le couloir de Taza et le fleuve Draa. L’établissement du protectorat français du Maroc faisait suite à des relations franco-marocaines séculaires.

Prélude

Plus d’informations : Relations France-Maroc

Carte de la côte atlantique du Maroc (1830)

Malgré la faiblesse de son autorité, la dynastie alaouite se distingue aux XVIIIe et XIXe siècles en maintenant l’indépendance du Maroc alors que d’autres États de la région succombent à la domination turque, française ou britannique. Cependant, dans la dernière partie du 19e siècle, la faiblesse et l’instabilité du Maroc invitent l’Europe à intervenir pour protéger les investissements menacés et exiger des concessions économiques. Les premières années du 20e siècle ont été le témoin d’une ruée de manœuvres diplomatiques par lesquelles les puissances européennes et la France en particulier ont fait avancer leurs intérêts en Afrique du Nord.

L’activité française au Maroc a commencé à la fin du 19e siècle. En 1904, le gouvernement français tentait d’établir un protectorat sur le Maroc, et avait réussi à signer deux accords secrets bilatéraux avec la Grande-Bretagne (8 avril) 1904 et l’Espagne (7 octobre) 1904, qui garantissaient le soutien des puissances en question dans cette entreprise. La France et l’Espagne se sont secrètement partagé le territoire du sultanat, l’Espagne recevant des concessions dans l’extrême nord et le sud du pays.

Première crise marocaine – mars 1905 – mai 1906

Articles principaux : Première crise marocaine et Conférence d’Algésiras

La première crise marocaine est née des rivalités impériales des grandes puissances, en l’occurrence, entre l’Allemagne d’un côté et la France, avec le soutien britannique, de l’autre. L’Allemagne a pris des mesures diplomatiques immédiates pour empêcher le nouvel accord d’entrer en vigueur, y compris la visite spectaculaire de Wilhelm II à Tanger au Maroc le 31 mars 1905. Le Kaiser Wilhelm a essayé d’obtenir le soutien du Maroc s’ils entraient en guerre avec la France ou la Grande-Bretagne, et a prononcé un discours exprimant son soutien à l’indépendance du Maroc, ce qui équivalait à un défi provocateur à l’influence française au Maroc.

En 1906, la Conférence d’Algésiras a été organisée pour régler le différend, et l’Allemagne a accepté un accord dans lequel la France a accepté de céder le contrôle de la police marocaine, mais a autrement conservé le contrôle effectif des affaires politiques et financières marocaines. Bien que la conférence d’Algésiras résolve temporairement la première crise marocaine, elle ne fait qu’aggraver les tensions internationales entre la Triple Alliance et la Triple Entente.

Crise d’Agadir

Article principal : Crise d’Agadir

Conflits franco-marocains

L’artillerie française à Rabat en 1911

En 1911, une rébellion éclate au Maroc contre le sultan, Abdelhafid. Début avril 1911, le sultan est assiégé dans son palais de Fès et les Français se préparent à envoyer des troupes pour aider à mater la rébellion sous prétexte de protéger les vies et les biens des Européens. Les Français envoient une colonne volante à la fin du mois d’avril 1911 et l’Allemagne donne son accord pour l’occupation de la ville. Les forces marocaines assiègent la ville occupée par les Français. Environ un mois plus tard, les forces françaises mettent fin au siège. Le 5 juin 1911, les Espagnols occupent Larache et Ksar-el-Kebir. Le 1er juillet 1911, la canonnière allemande Panther arrive au port d’Agadir. La réaction des Français et des Britanniques est immédiate.

Protectorat français 1912-1956

Article principal : Conquête française du Maroc

Médaille franco-marocaine

La France établit officiellement un protectorat sur le Maroc par le traité de Fès (30 mars 1912), mettant fin à ce qui restait de l’indépendance de fait du pays. D’un point de vue strictement juridique, le traité n’a pas privé le Maroc de son statut d’État souverain. Le sultan régnait mais ne gouvernait pas. Le sultan Abdelhafid a abdiqué en faveur de son frère Yusef après la signature du traité. Le 17 avril 1912, des fantassins marocains se mutinent dans la garnison française de Fès. Les Marocains ne parviennent pas à prendre la ville et sont vaincus par une force de secours française. Fin mai 1912, les forces marocaines attaquèrent à nouveau sans succès la garnison française renforcée de Fès.

En établissant leur protectorat sur une grande partie du Maroc, les Français avaient derrière eux l’expérience de la conquête de l’Algérie et de leur protectorat sur la Tunisie ; ils prirent cette dernière comme modèle pour leur politique marocaine. Il existe cependant d’importantes différences. Premièrement, le protectorat n’a été établi que deux ans avant le début de la Première Guerre mondiale, qui a entraîné une nouvelle attitude à l’égard de la domination coloniale. Rejetant l’approche assimilationniste française typique de la culture et de l’éducation comme une fantaisie libérale, les dirigeants français conservateurs du Maroc ont tenté d’utiliser l’urbanisme et l’éducation coloniale pour empêcher le mélange des cultures et maintenir la société traditionnelle sur laquelle les Français comptaient pour collaborer. Deuxièmement, le Maroc avait une tradition millénaire d’indépendance ; bien qu’il ait été fortement influencé par la civilisation de l’Ibérie musulmane, il n’avait jamais été soumis à la domination ottomane. Ces circonstances et la proximité du Maroc avec l’Espagne ont créé une relation spéciale entre les deux pays.

Enseigne civile du Maroc français (1919-1946)

Le Maroc était également unique parmi les pays d’Afrique du Nord en ce qu’il possédait une côte sur l’Atlantique, dans les droits que les différentes nations ont tiré de la Conférence d’Algésiras, et dans les privilèges que leurs missions diplomatiques avaient acquis à Tanger. Ainsi, le dixième nord du pays, avec les deux côtes atlantique et méditerranéenne ont été exclus de la zone contrôlée par la France et traités comme un protectorat espagnol.

Bien qu’étant sous protectorat, le Maroc a conservé -de jure- sa personnalité en tant qu’État en droit international, selon une déclaration de la CIJ, et est donc resté un État souverain, sans discontinuité entre les entités précoloniales et modernes. En fait, les Français jouissaient de pouvoirs beaucoup plus importants.

Sous le protectorat, les fonctionnaires français se sont alliés aux colons français et à leurs partisans en France pour empêcher toute démarche dans le sens de l’autonomie marocaine. Au fur et à mesure de la pacification, le gouvernement français encouragea le développement économique, en particulier l’exploitation des richesses minérales du Maroc, la création d’un système de transport moderne et le développement d’un secteur agricole moderne orienté vers le marché français. Des dizaines de milliers de colons sont entrés au Maroc et ont acheté de grandes quantités de riches terres agricoles. Les groupes d’intérêts qui se sont formés parmi ces éléments ont continuellement fait pression sur la France pour qu’elle augmente son contrôle sur le Maroc.

L’opposition au contrôle français

Rébellion du Rif

Articles principaux : Guerre du Rif et Muhammad Ibn ‘Abd al-Karim al-Khattabi

Drapeau de la République du Rif (1921-1926)

Le règne du sultan Yusef, de 1912 à 1927, est turbulent et marqué par de fréquents soulèvements contre l’Espagne et la France. Le plus grave d’entre eux fut un soulèvement berbère dans les montagnes du Rif, dirigé par Abd el-Krim qui réussit à établir une république dans le Rif. Bien que cette rébellion ait commencé dans la zone contrôlée par l’Espagne dans le nord du pays, elle a atteint la zone contrôlée par la France jusqu’à ce qu’une coalition de la France et de l’Espagne ait finalement vaincu les rebelles en 1925. Pour assurer leur propre sécurité, les Français ont déplacé la cour de Fès à Rabat, qui a servi de capitale du pays depuis lors.

Partis nationalistes

En décembre 1934, un petit groupe de nationalistes, membres du Comité d’Action Marocaine (CAM) nouvellement formé, a proposé un plan de réformes qui demandait un retour au régime indirect tel qu’envisagé par le traité de Fès, l’admission de Marocains aux postes gouvernementaux et l’établissement de conseils représentatifs. Les tactiques modérées utilisées par le CAM pour obtenir l’examen de la réforme – y compris les pétitions, les éditoriaux de journaux et les appels personnels aux Français. Les partis politiques nationalistes, qui sont apparus par la suite sous le protectorat français, ont fondé leurs arguments en faveur de l’indépendance du Maroc sur des déclarations de la Seconde Guerre mondiale telles que la Charte de l’Atlantique.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le mouvement nationaliste, très divisé, est devenu plus cohérent, et les Marocains informés ont osé envisager la possibilité réelle d’un changement politique dans l’après-guerre. Cependant, les nationalistes ont été déçus dans leur croyance que la victoire alliée au Maroc ouvrirait la voie à l’indépendance. En janvier 1944, le parti de l’Istiqlal, qui a ensuite fourni la majeure partie de la direction du mouvement nationaliste, a publié un manifeste exigeant l’indépendance totale, la réunification nationale et une constitution démocratique. Le sultan avait approuvé le manifeste avant sa soumission au résident général français, qui répondit qu’aucun changement fondamental du statut de protectorat n’était envisagé.

Exil du sultan Mohammed

La sympathie générale du sultan pour les nationalistes était devenue évidente à la fin de la guerre, même s’il espérait toujours voir l’indépendance complète se réaliser progressivement. En revanche, la résidence, soutenue par les intérêts économiques français et vigoureusement appuyée par la plupart des colons, refusait catégoriquement d’envisager ne serait-ce que des réformes allant dans le sens de l’indépendance. L’intransigeance officielle a contribué à accroître l’animosité entre les nationalistes et les colons et a progressivement élargi la scission entre le sultan et le résident général.

Mohammed V et sa famille ont été transférés à Madagascar en janvier 1954. Son remplacement par l’impopulaire Mohammed Ben Aarafa, dont le règne était perçu comme illégitime, a suscité une opposition active au protectorat français à la fois de la part des nationalistes et de ceux qui voyaient le sultan comme un chef religieux. En 1955, Ben Arafa a été pressé d’abdiquer ; par conséquent, il s’est enfui à Tanger où il a formellement abdiqué.

Plus tard, face à une demande marocaine unie pour le retour du sultan, à grande échelle, à la montée de la violence au Maroc, et à la détérioration de la situation en Algérie, Mohammed V est revenu d’exil le 16 novembre 1955, et de nouveau reconnu comme sultan. En février 1956, il négocie avec succès avec la France l’indépendance du Maroc et prend en 1957 le titre de roi.

Indépendance 1956

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Casablanca dans les années 1950

À la fin de 1955, Mohammed V négocie avec succès le rétablissement progressif de l’indépendance du Maroc dans un cadre d’interdépendance franco-marocaine. Le sultan accepte d’instituer des réformes qui transformeront le Maroc en une monarchie constitutionnelle dotée d’une forme démocratique de gouvernement. En février 1956, le Maroc acquiert une autonomie limitée. De nouvelles négociations en vue d’une indépendance totale aboutissent à l’accord hispano-marocain signé à Paris le 2 mars 1956. Le 7 avril de la même année, la France renonce officiellement à son protectorat au Maroc. La ville internationalisée de Tanger est réintégrée par la signature du protocole de Tanger le 29 octobre 1956. L’abolition du protectorat espagnol et la reconnaissance de l’indépendance du Maroc par l’Espagne ont été négociées séparément et rendues définitives dans la Déclaration conjointe d’avril 1956. Grâce à ces accords avec l’Espagne en 1956 et un autre en 1958, le contrôle marocain sur certaines zones sous domination espagnole a été rétabli, bien que les tentatives de revendiquer d’autres possessions espagnoles par des actions militaires aient eu moins de succès.

Dans les mois qui ont suivi l’indépendance, Mohammed V a procédé à la construction d’une structure gouvernementale moderne dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle dans laquelle le sultan exercerait un rôle politique actif. Il agit avec prudence, n’ayant pas l’intention de permettre aux éléments plus radicaux du mouvement nationaliste de renverser l’ordre établi. Il avait également l’intention d’empêcher l’Istiqlal de consolider son contrôle et d’établir un État à parti unique. En août 1957, Mohammed V prend le titre de roi.

Politique monétaire

Article principal : Franc marocain

Les Français ont frappé des pièces de monnaie destinées à être utilisées dans le Protectorat de 1921 à 1956, qui ont continué à circuler jusqu’à l’introduction d’une nouvelle monnaie. Les Français ont frappé des pièces de monnaie avec la dénomination de francs, qui étaient divisées en 100 centimes. Cette monnaie a été remplacée en 1960 par la réintroduction du dirham, la monnaie actuelle du Maroc.

La conférence d’Algésiras a fait des concessions aux banquiers européens, allant d’une Banque d’État du Maroc nouvellement formée, à l’émission de billets de banque adossés à l’or, avec une durée de 40 ans. La nouvelle banque d’État devait agir comme la Banque centrale du Maroc, mais avec un plafond strict sur les dépenses de l’Empire chérifien, avec des administrateurs nommés par les banques nationales qui garantissaient les prêts : l’Empire allemand, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne.

Histoire postale

Article principal : Histoire postale du Maroc

Une agence postale française avait envoyé du courrier depuis Tanger dès 1854, mais le début officiel du système a eu lieu en 1891, lorsque des bureaux de poste français ont été établis dans tout le sultanat. Les bureaux émettaient des timbres-poste de France surchargés avec des valeurs en pesetas et centimos, dans un rapport de 1-1 avec les dénominations en monnaie française, en utilisant à la fois les émissions de type Sage, et après 1902, l’émission Mouflon inscrite « MAROC » (qui n’ont jamais été officiellement émis sans la surcharge). En 1911, les motifs Mouflon ont été surimprimés en arabe ; la même année, la poste chérifienne a été créée pour traiter le courrier local, en utilisant des timbres spéciaux.

Les premiers timbres du protectorat sont apparus le 1er août 1914, et étaient juste les timbres existants avec la surimpression supplémentaire indiquant « PROTECTORAT FRANCAIS ». Les premiers nouveaux motifs figurent dans une émission de 1917, composée de 17 timbres en six motifs, libellés en centimes et en francs, et portant l’inscription « MAROC ».

Voir aussi

  • Histoire de la France
  • Protectorat espagnol au Maroc
  1. Furlong, Charles Wellington (septembre 1911). « La conquête française du Maroc : The Real Meaning Of The International Trouble ». pp. 14988-14999. http://books.google.com/books?id=rHAAAAAAYAAJ&pg=RA1-PA14988. Consulté le 2009-07-10.
  2. « Segalla, Spencer 2009,The Moroccan Soul : French Education, Colonial Ethnology, and Muslim Resistance, 1912-1956. Nebraska University Press. ».
  3. Bengt Brons, « États : La classification des États », in : Droit international : Achievements and Prospects, Martinus Nijhoff Publishers 1991 (ISBN 9789231027161), p.51 §.31
  4. Le texte utilisé dans cette section citée provient originellement de : profil du Maroc du projet Country Studies de la Bibliothèque du Congrès.
  • Bensoussan, David. Il était une fois le Maroc : témoignages du passé judéo-marocain. pp. 620. ISBN 978-1-4759-2608-8. </ref>

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