Discussion
Ce cas représente la présentation d’une psychopathologie développementale classique et de défis psychopharmacologiques très typiques pour le psychiatre d’enfant et d’adolescent. Les enfants atteints de TDAH présentent une variété d’autres symptômes qui doivent être traités en plus de l’inattention, de l’hyperactivité et de l’impulsivité. En plus du comportement perturbateur, D. semblait lutter contre l’anxiété et la dysrégulation émotionnelle caractérisée par une faible tolérance à la frustration, des accès de colère et une labilité de l’humeur (Biederman et al. 2012).
L’autorégulation émotionnelle déficiente (DESR) dans le TDAH est un phénomène relativement récemment étudié. Bien que décrit depuis longtemps (Biederman et al. 2012 ; Wender 1995 ; Barkley 1997 ; Nigg et Casey 2005), il n’a été étudié systématiquement que récemment. Le DESR a été décrit comme 1) des déficits dans l’autorégulation de l’excitation physiologique provoquée par des émotions fortes ; 2) des difficultés à inhiber un comportement inapproprié en réponse à des émotions positives ou négatives ; 3) des problèmes pour recentrer l’attention des émotions fortes ; et 4) une désorganisation du comportement coordonné en réponse à l’activation émotionnelle. (Spencer et al. 2011). Une définition opérationnelle rapportée par un groupe de recherche était un score seuil agrégé de >180 mais <210 sur les échelles d’anxiété/dépression, d’agressivité et d’attention de la CBCL (CBCL-DESR). Dans une étude récente portant sur 197 enfants atteints de TDAH et 224 enfants sans TDAH, 44 % des enfants atteints de TDAH avaient un profil CBCL-DESR positif, contre 2 % des témoins (p<0,001). Le profil CBCL-DESR s’est avéré être associé à des taux plus élevés de troubles du comportement perturbateurs et d’anxiété, ainsi qu’à des déficiences plus importantes du fonctionnement émotionnel et social (Spencer et al. 2011).
Une étude récente sur la labilité émotionnelle (EL) chez 1186 enfants âgés de 6 à 18 ans avec un TDAH de type combiné, et leurs 1827 frères et sœurs a démontré qu’une labilité émotionnelle sévère était associée à des symptômes de base du TDAH plus sévères, principalement l’hyperactivité-impulsivité, et à davantage de troubles comorbides oppositionnels, affectifs et de consommation de substances (Sobanski et al. 2010). EL a été décrit comme un problème fréquent et associé à une plus grande sévérité et à plus de psychopathologie comorbide.
D. semblait avoir un profil de DESR. Peu de recherches psychopharmacologiques ont été menées pour aborder cet aspect du TDAH. Les symptômes du DESR répondent souvent de manière variable aux stimulants selon les enfants. D’autres interventions et médicaments peuvent être nécessaires pour cibler les symptômes de dysrégulation émotionnelle. Il est intéressant de noter que l’hyperactivité et l’inattention de D. se sont améliorées avec le méthylphénidate à action prolongée, mais qu’il a connu un rebond plus tard dans la journée. Ce rebond peut avoir chevauché ou avoir été exacerbé par son anxiété et son impulsivité, qui n’ont pas été traitées par le stimulant seul. L’ajout de guanfacine à des doses relativement faibles le soir a semblé être utile pour plusieurs de ses symptômes de DESR, y compris l’impulsivité, l’anxiété et l’insomnie initiale.
Des études neurobiologiques récentes ont facilité notre compréhension des fondements biologiques du TDAH (Arnsten 2009). De plus en plus, l’importance du cortex préfrontal (PFC) dans le TDAH a été décrite. Le CPF est crucial pour la régulation du fonctionnement attentionnel, ainsi que pour la régulation des émotions et du comportement ; ces fonctions de régulation sont souvent décrites comme des fonctions exécutives. Les études animales fournissent des données qui suggèrent que les actions des catécholamines dans le PFC sont importantes pour le TDAH (Arnsten 2009). Les médicaments qui augmentent la stimulation des récepteurs alpha-2 améliorent la fonction du PFC ; alors que le méthylphénidate augmente la noradrénaline et la dopamine endogènes et améliore indirectement la fonction du PFC par l’action des récepteurs alpha-2A et D1, la guanfacine agit directement sur les récepteurs alpha-2A post-synaptiques du PFC. (Arnsten 2009).
La guanfacine s’est avérée efficace dans le traitement des principaux symptômes du TDAH (Biederman et al. 2008) et la guanfacine à libération prolongée (Intuniv) a récemment été approuvée par la FDA pour le traitement du TDAH chez les enfants et les adolescents (FDA 2009). Elle s’est également avérée bénéfique pour l’anxiété chez les enfants et les adolescents présentant des symptômes liés au stress traumatique (Connor et al. 2013). La guanfacine peut s’attaquer à l’autorégulation émotionnelle déficiente en améliorant les contrôles attentionnels et cognitifs ; cela peut avoir été le mécanisme par lequel l’ajout de guanfacine a été utile pour D.
Une autre question importante dans ce cas est la difficulté de l’adhésion au traitement, qui est un problème commun dans le traitement des jeunes atteints de TDAH. Une récente revue systématique de la littérature sur l’arrêt de la médication du TDAH a rapporté que l’adhésion au traitement était généralement faible chez les patients atteints de TDAH. Les formulations à longue durée d’action et les amphétamines étaient associées à une durée de traitement plus longue que les formulations à courte durée d’action et le méthylphénidate (Gajra et al. 2014). Bien que les effets indésirables aient été signalés comme étant la raison la plus fréquente de l’abandon du traitement d’une étude à l’autre, dans les études de recherche originales, le manque de contrôle des symptômes et les inconvénients de la posologie étaient les raisons les plus courantes. Il n’est donc pas surprenant que ce n’est que lorsque la mère de D. a trouvé un schéma posologique pratique et à longue durée d’action que l’observance a été optimale.