DISCUSSION
Le premier cas rapporté d’un bilome l’a été par Gould et Patel en 1979. Ils ont rapporté une fuite de bile extrahépatique après un traumatisme du quadrant supérieur droit de l’abdomen. La bile s’est accumulée sous une forme encapsulée. Bien que décrit à l’origine comme une collection bilieuse à l’extérieur du foie, le terme de bilome a été étendu pour inclure toute lésion de ce type qui peut être intrahépatique mais anatomiquement en dehors de l’arbre biliaire. La majorité des bilomes sont iatrogènes et font suite à une cholangiographie transhépatique, une biopsie du foie, une CPRE ou une cholécystectomie. Le bilome a également été reconnu comme pouvant survenir à la suite d’un traumatisme externe. Les bilomes spontanés sont extrêmement rares, et la majorité d’entre eux sont secondaires à une cholédocholithiase ou à un cholangiocarcinome. Des causes plus rares ont été rapportées dans le contexte de la drépanocytose ou comme complication d’un infarctus hépatique et de la formation d’un abcès. A notre connaissance, un bilome secondaire à une malignité primaire du pancréas n’a pas été rapporté auparavant dans la littérature.
Avec l’évolution des techniques de diagnostic, un nombre croissant de cas ont été identifiés, mais le mécanisme exact derrière la formation spontanée de bilomes est encore inconnu. Les mécanismes pathogéniques postulés sont le spasme du sphincter d’Oddi, la tumeur du CBD ou l’obstruction par un calcul qui entraîne une augmentation de la pression intraductale, la nécrose du canal biliaire et la rupture du canal biliaire. En raison de l’apparition relativement lente de l’obstruction du canal qui se produit dans le contexte d’un néoplasme pancréatique, une telle élévation aiguë de la pression biliaire est inhabituelle (cf. calcul CBD impacté). La taille et l’emplacement du bilome sont influencés par la cause de la rupture, l’emplacement et la taille de la fuite biliaire, et le taux d’absorption par le péritoine. La plupart des bilomes sont secondaires à une perforation du CBD plutôt que du canal hépatique.
Il n’y a pas de différence dans l’incidence entre les hommes et les femmes, mais l’affection se rencontre plus souvent dans les sixième et septième décennies de la vie. La prédominance de l’âge peut refléter celle du facteur étiologique sous-jacent plutôt que celle du développement de la complication. La présentation est non spécifique, avec une douleur abdominale, généralement dans le quadrant supérieur droit (bien que quelques cas de migration de la bile vers l’espace sous-phrénique gauche aient été documentés, ce qui a donné lieu à une prédominance de la douleur du côté gauche). La fièvre peut s’accompagner d’une jaunisse et d’une distension abdominale. Des cas extrêmes entraînant une ascite bilieuse ont également été rapportés. Dans notre cas, il n’y avait pas d’antécédents d’intervention hépatobiliaire récente (une biopsie du pancréas avait été effectuée 6 mois avant la présentation, mais aucun signe de bilome n’a été observé au scanner d’intervalle). Le patient se plaignait de fièvre, de rigidité, d’anorexie et d’ictère scléral. Les analyses sanguines peuvent montrer une leucocytose à neutrophiles, une CRP élevée et des tests de fonction hépatique obstructifs. Les hémocultures peuvent montrer une bactériémie à Gram négatif. Le bilome peut être détecté par échographie, tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique. Malgré les progrès des modalités d’imagerie, le bilome peut être difficile à différencier d’une grande métastase kystique, d’un sérome, d’un angiome ou d’un lymphocèle. L’échographie devient utile dans cette situation, le diagnostic définitif étant posé après une aspiration guidée par la radiologie. Une fois le liquide obtenu, un test microbiologique est obligatoire pour exclure la présence d’une infection coexistante. La CPRE est particulièrement utile pour diagnostiquer une fuite active ; elle peut également permettre une intervention thérapeutique. La localisation précise du bilome permet un drainage percutané, ce qui rend inutile toute intervention chirurgicale. L’intervention endoscopique comprend une sphinctérotomie avec extraction des calculs, si nécessaire, pour abaisser la pression biliaire. La mise en place d’un stent dans les lésions plus distales est une option, car cela réduit le gradient de pression dans le duodénum et facilite l’écoulement de la bile. Cela soulage également l’obstruction due aux lésions qui rétrécissent l’arbre biliaire. Dans notre cas, cette dernière approche a été utilisée pour surmonter l’obstruction causée par la grosse tumeur pancréatique.
La prise en charge chirurgicale reste controversée mais peut être utile en cas de fuite continue malgré le traitement endoscopique. Les objectifs sont d’arrêter la contamination abdominale par la bile au moyen d’un drainage péritonéal, d’une fermeture chirurgicale des fuites actives et d’un drainage par tube T.
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