Diarrhée infectieuse aiguë : Considérations générales

Comment citer ce chapitre : Haider S, Mach T, Mrukowicz J. Diarrhée infectieuse aiguë : General Considerations. McMaster Textbook of Internal Medicine. Kraków : Medycyna Praktyczna. https://empendium.com/mcmtextbook/chapter/B31.II.4.24.1. Consulté le 25 mars 2021.
Dernière mise à jour : 8 juin 2019
Dernière révision : 8 juin 2019

Informations sur le chapitre

Bureau de rédaction de l’Université McMaster
Rédacteurs de la section : Mark Loeb
Auteurs : Shariq Haider
Institut polonais pour la médecine fondée sur les preuves Bureau de rédaction
Rédacteurs en chef de section : Piotr Zaborowski, Jerzy Stefaniak, Miłosz Parczewski, Weronika Rymer, Agnieszka Wroczyńska
Auteurs : Tomasz Mach, Jacek Mrukowicz
Principaux documents pris en compte :

DuPont HL. Diarrhée infectieuse aiguë chez les adultes immunocompétents. N Engl J Med. 2014 Apr 17;370(16):1532-40. doi : 10.1056/NEJMra1301069. Révision. PubMed PMID : 24738670.

Définition, étiologie, pathogénieHaut

Définition, critères et classification de la diarrhée : voir Diarrhée.

1. Agents étiologiques : Virus (norovirus et autres calicivirus ; rotavirus, astrovirus, adénovirus) ; bactéries (le plus souvent Salmonella spp et Campylobacter spp ; Escherichia coli, Clostridium difficile, Yersinia spp, rarement Shigella spp ; Listeria monocytogenes) ; rarement parasites (Giardia lamblia, Cryptosporidium parvum, Cystoisospora belli ; microsporidies).

2. transmission : Voie orale (mains, aliments ou eau contaminés). Généralement, la source de l’infection est une personne malade ou un porteur.

3. Facteurs de risque : Contact avec une personne malade ou un porteur ; mauvaise hygiène des mains ; consommation d’aliments et d’eau potable d’origine douteuse (potentiellement contaminés) ; consommation d’œufs crus, de mayonnaise, de viande crue ou insuffisamment cuite (Salmonella spp), de volaille ou de produits laitiers (Campylobacter spp, Salmonella spp), de fruits de mer (norovirus), de charcuterie et de fromages vieillis (L monocytogenes) ; traitement antibiotique (C difficile) ; voyages dans des zones endémiques (choléra) et dans des pays en développement (diarrhée du voyageur) ; achlorhydrie ou lésions de la muqueuse gastrique (par exemple, induites par des médicaments) ; immunodéficience.

4. période d’incubation et de contagion : La période d’incubation dure quelques heures ou quelques jours. L’excrétion de l’agent pathogène dans les selles peut se poursuivre de quelques jours à quelques mois (par exemple, dans le cas des porteurs de Salmonella spp).

Caractéristiques cliniques et histoire naturelleTop

1. Classification des diarrhées infectieuses en fonction de la pathogénie :

1) Type I : Lié aux entérotoxines (par exemple, E coli entérotoxigène ).

2) Type II : inflammatoire (ex : C difficile).

3) Type III : invasif (ex : Salmonella spp, Shigella spp, L monocytogenes).

2) Manifestations cliniques : Divers syndromes peuvent parfois se chevaucher :

1) Gastro-entérite aiguë (la manifestation la plus fréquente) : Commence par des vomissements, qui sont suivis par l’apparition d’une diarrhée non sanglante sans pus ni mucus. Les patients sont exposés à un risque de déshydratation importante.

2) Diarrhée sanglante (dysenterie) : Les caractéristiques cliniques dominantes sont la diarrhée avec du sang frais dans les selles et des crampes abdominales. Elle peut être causée par Shigella spp ou Salmonella spp, E coli entéro-invasif (EIEC), ou l’amibiase.

3) Syndrome de dysenterie : Fréquentes selles de petit volume contenant du sang frais ou du pus et de grandes quantités de mucus, envie douloureuse et improductive de déféquer, et crampes abdominales sévères.

4) Syndrome typhoïde (fièvre entérique) : Les caractéristiques dominantes sont une fièvre élevée (39-40 degrés Celsius), des maux de tête, des douleurs abdominales et une bradycardie relative (pouls <100 battements/min avec une fièvre >39 degrés Celsius), qui peut être accompagnée de diarrhée ou de constipation.

3) Autres signes et symptômes : Douleurs abdominales, nausées et vomissements, fièvre, signes et symptômes de déshydratation (la complication la plus importante et la plus fréquente de la diarrhée aiguë), sensibilité abdominale, altération de l’état mental (causée par une infection ou une déshydratation).

4. Histoire naturelle : Chez la majorité des patients, la maladie a une évolution bénigne et se résout spontanément après quelques jours. Un statut de porteur chronique (>1 an) se développe chez <1% des patients atteints d’une infection à Salmonella spp (les taux sont plus élevés chez les patients traités par antibiotiques).

DiagnosticTop

Diagnostic et traitement des diarrhées infectieuses : Figure 6.1-11. Les tests diagnostiques ne sont pas nécessaires dans la majorité des cas, notamment chez les individus traités en ambulatoire. Évaluez la gravité de la déshydratation chez chaque patient (voir Diarrhée).

Tests diagnostiques

1. Tests de laboratoire :

1) Les tests biochimiques (réalisés chez les patients gravement malades ou significativement déshydratés traités par des liquides intraveineux) peuvent révéler une hypernatrémie ou une hyponatrémie (la déshydratation isotonique est la plus fréquente), une hypokaliémie, une hypocalcémie, une hypomagnésémie, une acidose métabolique et une augmentation des taux d’urée/azote uréique sanguin (lésion rénale aiguë prérénale).

2) Recherche de leucocytes dans les selles (frottis d’un échantillon de selles fraîchement prélevé, coloré au bleu de méthylène à 0,5%) : La présence de ≥5 leucocytes dans un champ de forte puissance indique une diarrhée inflammatoire ou invasive (en cas d’amibiase malgré la dysenterie, aucun neutrophile n’est retrouvé dans les selles mais des érythrocytes sont présents). Le test doit être effectué sur un échantillon de selles fraîches.

3) Lactoferrine fécale : un résultat positif est évocateur d’une diarrhée inflammatoire ou invasive d’étiologie bactérienne (il n’est pas nécessaire d’envoyer en urgence les échantillons de selles au laboratoire car la lactoferrine est libérée par la désintégration des neutrophiles).

2) Microbiologie des selles : Cultures bactériennes (pouvant être répétées plusieurs fois car l’excrétion des agents pathogènes n’est pas continue), dans les cas justifiés suivies d’études parasitologiques et virologiques. Les indications pour une analyse microbiologique des selles sont les suivantes : dysenterie, nombre élevé de neutrophiles dans les selles ou résultats positifs pour la lactoferrine fécale, diarrhée sévère avec déshydratation sévère et fièvre, diarrhée nosocomiale suspectée, diarrhée persistant pendant >2 semaines, signes et symptômes extra-intestinaux (par exemple, arthrite dans les infections à Salmonella spp, Campylobacter spp, Shigella spp ou Yersinia spp), raisons épidémiologiques (par exemple, enquête épidémiologique ; suspicion de choléra, de fièvre typhoïde ou de fièvre paratyphoïde de type A, B ou C ; test du statut de porteur éventuel chez les porteurs et les convalescents ayant des antécédents de choléra, de fièvre typhoïde, de fièvre paratyphoïde, de salmonellose ou de shigellose, ainsi que chez les personnes qui peuvent être à risque d’infecter d’autres personnes en raison de leur profession).

Diagnostic différentiel

Autres causes de diarrhée aiguë (voir Diarrhée).

TraitementHaut

La majorité des patients peuvent être traités en ambulatoire. Les indications d’hospitalisation peuvent inclure la nécessité d’un traitement liquidien intraveineux, une suspicion de bactériémie, des complications de diarrhée infectieuse, un syndrome de fièvre entérique (fièvre typhoïde ; fièvre paratyphoïde A, B ou C), des patients immunodéprimés et des séjours dans des zones endémiques pour le choléra.

Traitement symptomatique

1. La thérapie de remplacement liquidien est le pilier du traitement symptomatique (voir Diarrhée).

2. Prise en charge nutritionnelle : Après une thérapie liquidienne réussie (3-4 heures), reprendre l’alimentation orale telle que tolérée. Un régime potentiel peut être basé sur des aliments riches en amidon cuit (riz, pâtes, pommes de terre) et sur du gruau, avec un ajout de crackers, de bananes, de yaourt naturel, de soupes et de viandes et légumes cuits. Les épices doivent être évitées si elles ne sont pas tolérées. Les patients doivent consommer des repas selon leurs préférences mais éviter les aliments lourds, frits et le lait sucré. Des repas fréquents et plus petits sont bénéfiques. Un régime régulier peut être réintroduit dès que les selles deviennent bien formées.

3. Médicaments antidiarrhéiques : Lopéramide (voir Diarrhée). Les médicaments antidiarrhéiques doivent être réservés au traitement de seconde intention et évités chez les patients présentant une diarrhée infectieuse.

4. Probiotiques : Certains probiotiques (Lactobacillus casei GG, Saccharomyces boulardii) peuvent constituer un complément bénéfique au traitement de la diarrhée aqueuse d’étiologie virale confirmée ou suspectée. L’administration orale d’un sachet ou d’une capsule par jour réduit la durée de la diarrhée de 1 à 2 jours.Preuves 1Recommandation faible (les avantages l’emportent probablement sur les inconvénients, mais la balance est serrée ou incertaine ; un autre plan d’action pourrait être préférable pour certains patients). Qualité de preuve modérée (confiance modérée dans la connaissance des effets réels de l’intervention). Qualité de preuve réduite en raison de lacunes méthodologiques (risque de biais), de la variabilité de la définition de la diarrhée et du choix des probiotiques, et de la plupart des données provenant de la population pédiatrique. Allen SJ, Martinez EG, Gregorio GV, Dans LF. Probiotiques pour le traitement de la diarrhée infectieuse aiguë. Cochrane Database Syst Rev. 2010 Nov 10 ;(11):CD003048. doi : 10.1002/14651858.CD003048.pub3. Révision. PubMed PMID : 21069673. Les probiotiques ne sont pas efficaces dans les diarrhées inflammatoires et invasives (types II et III).

5. Prise en charge des autres perturbations (acidose métabolique, perturbations électrolytiques) : voir Perturbations hydriques et électrolytiques.

Traitement antimicrobien

Les indications du traitement antimicrobien sont limitées car dans la majorité des cas, les diarrhées infectieuses se résolvent spontanément.

1. Un traitement antimicrobien empirique doit être envisagé chez les patients présentant une diarrhée du voyageur et en attendant les résultats des cultures de selles chez les patients présentant une diarrhée inflammatoire sévère (associée à de la fièvre, une envie douloureuse de déféquer, du sang ou des leucocytes dans les selles, des résultats positifs du test de lactoferrine fécale, c’est-à-dire des caractéristiques typiques d’une infection par Salmonella spp, Campylobacter jejuni, Yersinia spp ou Shigella spp). Utiliser une quinolone orale pendant 3 à 5 jours (ciprofloxacine 750 mg une fois par jour ou 500 mg bid, norfloxacine 800 mg une fois par jour ou 400 mg bid, ou ofloxacine 400 mg une fois par jour ou 200 mg bid) ou l’azithromycine (1 g en une seule prise ou 500 mg/d pendant 3 jours). Ne pas utiliser ces agents chez les patients fébriles présentant une dysenterie, car elle peut avoir été causée par E coli entérohémorragique (EHEC) (voir ci-dessous).

2. Traitement antimicrobien ciblé :

1) Salmonella spp (autre que Salmonella typhi) : Le traitement n’est pas indiqué chez les patients présentant une infection asymptomatique ou légère ; cependant, il doit être débuté chez les patients présentant une maladie sévère, une septicémie ou des facteurs de risque d’infection extra-intestinale (voir Complications, ci-dessous). Utiliser la ciprofloxacine par voie orale (posologie comme ci-dessus) pendant 5 à 7 jours ; alternativement, utiliser l’azithromycine 1 g suivie de 500 mg une fois par jour pendant 6 jours ou une céphalosporine de troisième génération (par exemple, ceftriaxone 1-2 g/j).

2) S typhi : Utiliser une fluoroquinolone pendant 10 à 14 jours (ciprofloxacine comme ci-dessus, norfloxacine 400 mg bid) ; alternativement utiliser l’azithromycine 1 g suivie de 500 mg une fois par jour pendant 6 jours ou une céphalosporine de troisième génération (par exemple, ceftriaxone 1-2 g/d). La hausse de la résistance aux quinolones et les isolats multirésistants provenant d’Asie du Sud-Est et d’Afrique doivent être pris en compte en fonction des antécédents de voyage du patient.

3) C jejuni : utiliser l’azithromycine (1 g en une seule dose ou 500 mg une fois par jour pendant 3 jours) ou une fluoroquinolone pendant 5 jours (par exemple, ciprofloxacine, norfloxacine comme ci-dessus).

4) Shigella spp : Utiliser une fluoroquinolone bid pendant 3 jours (ciprofloxacine 500 mg, ofloxacine 300 mg ou norfloxacine 400 mg) ; alternativement, utiliser l’azithromycine 500 mg en une seule dose suivie de 250 mg une fois par jour pendant 4 jours ou une céphalosporine de troisième génération (par exemple, ceftriaxone 1-2 g/j).

5) E coli :

a) ETEC, E coli entéropathogène (EPEC) et EIEC, ainsi que Aeromonas spp et Plesiomonas spp : Utiliser le sulfaméthoxazole/triméthoprime 960 mg ou une fluoroquinolone bid pendant 3 jours (par exemple, ofloxacine 300 mg, ciprofloxacine 500 mg, norfloxacine 400 mg).

b) Souches d’E. coli entéroagrégatives (EAggEC) : En général, le traitement antimicrobien n’est pas recommandé car les effets sont inconnus.

c) EHEC : éviter les médicaments susceptibles d’inhiber le péristaltisme et les antibiotiques en raison de leur rôle indéterminé dans le traitement et d’un risque de syndrome hémolytique-urémique.

6) Yersinia spp : Les antibiotiques ne sont généralement pas nécessaires. Chez les patients présentant une infection sévère ou une bactériémie, utiliser la doxycycline associée à un aminoglycoside, au sulfaméthoxazole/triméthoprime ou à une céphalosporine de troisième génération.

7) Vibrio cholerae souches O1 ou O139 : Ciprofloxacine 1 g une fois par jour, alternativement doxycycline 300 mg une fois par jour ou sulfaméthoxazole/triméthoprime (160 mg de triméthoprime) bid pendant 3 jours.

8) L monocytogenes : Habituellement, aucun traitement n’est nécessaire car l’infection est autolimitée. Si elle persiste ou dans le cas d’un hôte immunodéprimé, utiliser l’amoxicilline orale 500 mg tid ou le sulfaméthoxazole/triméthoprime (160 mg de triméthoprime) bid pendant 7 jours.

9) Giardia lamblia : Les options acceptables comprennent le métronidazole oral 250 mg tid pendant 5 à 7 jours, le tinidazole oral en dose unique de 2 g, ou le nitazoxanide 500 mg bid pendant 3 jours. Chez les patientes enceintes, utiliser la paromomycine orale 10 mg/kg tid pendant 5 à 10 jours.

10) Cryptosporidium spp : Chez les patients présentant une infection sévère, utiliser la paromomycine 500 mg tid pendant 7 jours.

11) Cystoisospora (Isospora) spp, Cyclospora spp : Utiliser le sulfaméthoxazole/triméthoprime (160 mg de triméthoprime) bid pendant 7 à 10 jours ; ceci n’est pas recommandé chez les patients atteints d’infections à microsporidies.

ComplicationsTop

Les complications dépendent de l’étiologie et comprennent :

1) Colite hémorragique (EHEC, Shigella spp, Vibrio parahaemolyticus, Campylobacter spp, Salmonella spp).

2) Mégacôlon toxique, perforation intestinale (EHEC, Shigella spp, C difficile, Campylobacter spp, Salmonella spp, Yersinia spp).

3) Syndrome hémolytique-urémique (EHEC sérotype O157:H7 et Shigella spp, rarement Campylobacter spp).

4) Arthrite réactive (Shigella spp, Salmonella spp, Campylobacter spp, Yersinia spp).

5) Syndrome du côlon irritable post-infectieux (Campylobacter spp, Shigella spp, Salmonella spp).

6) Infections extra-intestinales localisées à distance (méningite, encéphalite, ostéite, arthrite, infection de plaie, cholécystite, abcès dans divers organes) ou septicémie (Salmonella spp, Yersinia spp, rarement Campylobacter spp ou Shigella spp). Les facteurs de risque sont l’âge <6 mois ou >50 ans, les implants prothétiques, les cardiopathies congénitales ou acquises, l’athérosclérose grave, les tumeurs malignes, l’urémie, l’immunodéficience, le diabète sucré et la surcharge en fer (risque accru d’infection grave par certains agents pathogènes, notamment Yersinia spp, Listeria monocytogenes, Vibrio cholera, E coli).

7) Malnutrition et cachexie (divers agents pathogènes).

8) Syndrome de Guillain-Barré (C jejuni).

PrognosticTop

Dans la majorité des patients, le pronostic est bon. Cependant, les patients âgés sont exposés à un risque de maladie grave et de décès.

PréventionTop

Les principales mesures de prévention comprennent :

1) Une bonne hygiène des mains : Lavage soigneux des mains avec de l’eau et du savon après la défécation, après le changement des couches souillées, après tout contact avec les toilettes/toilettes, avant la préparation et la consommation des repas, après la manipulation de la viande crue et des œufs.

2) Inspections sanitaires régulières, respect des directives relatives à la sécurité des aliments et de l’eau (concernant tant la production que la distribution).

3) Notification obligatoire des autorités locales de santé publique pour les agents pathogènes à déclaration obligatoire (peut varier selon les juridictions), vigilance épidémiologique, identification des sources d’infection (enquêtes épidémiologiques).

4) Test du statut de porteur chez les porteurs, le cas échéant, en fonction des réglementations de santé publique.

FiguresTop

Figure 6.1-11. Algorithme de prise en charge des patients atteints de diarrhée infectieuse.

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